lun, 04/02/2012 - 09:14
"L'hôpital est devenu une usine, il faut convoquer des états généraux de la santé"

L’infirmière s’intéresse à la campagne présidentielle. "J’attends beaucoup des politiques mais visiblement la santé n’est pas un sujet prioritaire, explique-t-elle. J’ai beau suivre les émissions spécialisées, il est difficile de voir ce que les candidats ont à proposer dans le domaine de la santé." "Quels sont les projets pour l’hôpital ? Quelles seraient les réformes programmées ? On n'a pour l’instant aucune lisibilité", regrette-t-elle.
Pourtant "l’hôpital public et les infirmières souffrent et ont besoin que les politiques s’intéressent à eux", explique Nathalie Depoire. La quadragénaire relate le difficile quotidien de ses collègues. "L’hôpital est devenu une entreprise, une usine à gaz avec une politique budgétaire en total décalage avec la réalité", accuse-t-elle. L’un des problèmes majeurs, selon l’infirmière, est le manque d’effectif qui conduit le personnel à l’épuisement. "C’est un cercle infernal. Les personnels sont toujours plus sollicités. Les équipes faisant des heures supplémentaires, l’épuisement professionnel augmente", explique-t-elle.
Un sentiment de mal-être s'est emparé des infirmières. Un sondage Ipsos paru en octobre 2010 montre que 64 % des infirmières travaillant dans le secteur public ressentent de l'inquiétude vis-à-vis de leur métier et elles sont une majorité à considérer que leur situation s’est détériorée au cours de ces dernières années, notamment en ce qui concerne le niveau de stress (56 %) et le rythme de travail (51 %).
"En rentrant chez elles, les infirmières ont l’impression de ne pas avoir pu faire toutes leurs tâches. Avec les nouvelles réformes, la priorité aujourd’hui c’est de faire des actes et tout le volet relation humaine a disparu. Ce manque de relation avec le patient est devenu une souffrance au quotidien", explique Nathalie Depoire. Et l’infirmière de poursuivre : "Il y a également un manque de dialogue entre le personnel hospitalier. On n'a plus le temps de se parler. Chacun porte sa croix dans son coin".
Comme Nathalie Depoire, les Français sont inquiets de l’évolution de l’hôpital public : c’est ce que montre le baromètre 2012 de la Sofres pour la Fédération hospitalière de France. L’enquête révèle que les Français sont particulièrement insatisfaits du service des urgences où le temps d’attente est de plus en plus long. "On n'a plus les moyens de répondre à l’une des missions premières de l’hôpital public, c’est-à-dire l’accès aux soins pour tous, explique Nathalie Depoire. Derrière le problème d’attente aux urgences, il y a le manque cruel de lits. Encore une fois, l’hôpital est malade d’une politique de management à court terme." En 10 ans, 100 000 lits ont été fermés dans les hôpitaux français.
La réforme de l’hôpital s’est accompagnée d’une réforme de la formation des infirmières. Une réforme "a minima" selon Nathalie Depoire. Désormais, les infirmières, après 3 ans d’études, décrochent un diplôme d’État avec un grade de licence, "mais pas une licence pleine et entière" déplore la jeune femme qui pointe également du doigt le décalage entre la formation et la réalité du terrain. "On ne se donne pas les moyens de former, accuse-t-elle. Dans les faits, le personnel n’a pas le temps de s’occuper des nouveaux."
Et malgré la revalorisation des études, les salaires ne suivent pas. Ainsi, en début de carrière, une infirmière gagne 1600 euros brut par mois. "On n'est pas très loin du Smic, regrette l’infirmière. Ajoutons à ça la réforme des retraites et on voit bien qu’on fait tout pour que notre métier soit de moins en moins attractif."
Si elle était présidente, Nathalie Depoire convoquerait "des états généraux pour qu’il y ait une vraie concertation entre tous les acteurs de la santé et pour définir les priorités". "La population vieillit, explique l’infirmière, et la problématique des personnes dépendantes doit être mieux prise en compte." Et de conclure : "Il serait temps en France qu’on investisse non plus seulement dans le curatif mais aussi dans le préventif".
Crédit photo : Julie Kara
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